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Memory Cache Collection 99
31.08.24 > 22.09.24
Partenaire(s)

Alec De Busschère. Memory Cache Collection 99

MACS. Grand-Hornu | Extra-muros. Bruxelles

 


Annexée à la programmation du MACS (Grand-Hornu) en tant que projet extra-muros, l’installation d’Alec De Busschère, Memory Cache Collection 99, se présente comme un dédale d’images imprimées sur de fins grands voiles librement suspendus dans l’espace d’exposition. Cette architecture translucide dans laquelle le public est invité à déambuler et à se perdre est d’autant plus déroutante que le moindre courant d’air peut en modifier l’orientation des cloisons grâce à un ingénieux mécanisme de suspension. Le spectacle de ces images fantomatiques prend alors une dimension légèrement cinétique, voire cinématographique, résultant de l’instabilité des voiles, de la circulation des spectateurs comme des effets de surimpressions et de fondus enchaînés. Labyrinthique et kaléidoscopique, le dispositif a l’apparence d’un « théâtre de la mémoire », cet outil mnémotechnique qui localise sur un plan de distribution architectural les images parcellaires d’une histoire à reconstituer. Cette connotation archéologique prend aussi son sens quand on sait que ce matériau visuel fut extrait, en 1999, de la mémoire de plusieurs ordinateurs personnels : des « fichiers caches »
récupérés par l’artiste pour réaliser, à l’époque, sa vidéo Keep the cache in memory. Des images pauvres en informations et qualité, orphelines de leurs auteurs et de leurs sites internet d’origine s’y enchaînaient les unes aux autres à un rythme quasi stroboscopique, témoin de la frénésie qui s’était emparée de toute une génération de navigateurs insomniaques. Vingt-cinq ans plus tard, Alec De Busschère revient sur cet océan d’archives pour en livrer une vision diamétralement opposée : des images dont il a diminué le nombre, agrandi la taille et ralenti la vitesse, comme une manière aussi de leur donner, malgré leur superficialité, l’épaisseur existentielle d’un geste humain et de sa trace, même technologique.

Adresse :
Bloc 5 | Rue du Ruisseau, 37 – 1080 Bruxelles 

Vernissage :
30.08.24 | 18h

Exposition :
31.08 > 22.09.24

Horaires :
Mercredi - dimanche | 14h - 19h

À propos de l’artiste


Alec De Busschère vit et travaille à Bruxelles.


Actif depuis les années 1980, Alec De Busschère est un artiste autodidacte qui débute par une pratique de la peinture pour développer ensuite un travail exploitant différents médiums et langages. Sa pratique polymorphe travaille à l’expansion du white cube par l’ouverture d’espaces fictionnels. Il intègre souvent données, enquêtes, plans d’architecture, algorithmes et prend en considération tout ce qui est périphérique à l’œuvre comme éléments dynamiques qu’il est possible d’inclure dans son processus de création, considérant les accidents et l’aléatoire comme données productives et collaborant avec des auteurs utilisant d’autres formes de langages. Il questionne la transmission d’informations de tout projet, qui conduit à la fois à une déperdition d’informations et une densification de l’œuvre. Son œuvre s’articule principalement autour de projets au long cours, tels que Casting pour générique, UC Box, UNEXISTANT ou Possible Tracks for Short Cuts.

L'exposition par Béatrice Delcorde

 

Le public est invité à accéder à l’espace d’exposition par une porte dérobée qui se situe à l’arrière du bâtiment et rejoue de manière métaphorique un accès à la “mémoire cache” de nos ordinateurs.

L’espace est habité par la présence de 20 voiles individuellement suspendus à la charpente métallique grâce à un système de barres et de billes aimantées qu’Alec De Busschère greffe à l'architecture du lieu le temps de l'exposition. Le réseau graphique de la charpente sur laquelle viennent se loger des attaches magnétiques permet au système des voiles de s'étirer à fleur de sol. L’ensemble de cette organisation figure une sorte de cartographie des logis de la mémoire. Les voiles y flottent dans l'espace les uns derrière les autres, à côté des autres. Ils tournent sur eux-mêmes sans jamais se toucher.

Sur chaque voile est imprimée une image sélectionnée dans une base de données collectées par l’artiste en 1999 auprès d’internautes anonymes qui consentent à partager les fichiers de leur mémoire cache. Ces images sont orphelines : nous n’en connaissons ni les auteurs ni l’origine, pas plus que les sites sur lesquels elles sont apparues.

Partant de ces sources, Alec De Busschère agrandit ces micro-fichiers de quelques kilo-octets aux formats des impressions à l'échelle de la salle. En réinventant tout le processus de l'encadrement, il leur restitue leur valeur opérationnelle, existentielle. Il les fait apparaître comme elles ont disparu et nous y apparaissons comme nous y disparaîtrons.

Si la physicalité des éléments devient tout à coup immersive, c'est pour mieux nous rendre compte de notre rapport aux data oscillant d'un état numérique à un état analogique, en passant d'une échelle micro à l'autre macro et par la disparition de nos corps respectifs dans le champ de ces voiles. À ce stade de l'élaboration, la plupart des fichiers-images de la collection ne sont plus présents sur internet. L’artiste en sélectionne 20 parmi ceux qui ont disparu. Par son versant topologique, il propose une installation dans laquelle on circule sans apparaître, où l'on se voile pour exister autrement, où demeure le mouvement.

Sur un mur extérieur de la salle d’exposition sont listés les 20 noms des fichier-images. Cette présentation textuelle ajoute une couche supplémentaire dans le processus de transformation des fichiers. Ce qui est écrit, lu, pensé, se contemple. Ce qui est dedans est maintenant dehors. Le public est libre de se promener dans la pièce entre les images. On passe ainsi d'un temps de lecture que l'on appellera symbolique à un autre dans lequel on avance physiquement. C'est le temps de la marche contre celui de la rêverie.

Les éléments sont des objets esthétiques et théoriques : ils touchent au regard et au voir, à la monstration et à la visibilité phénoménale, à la mimesis. Ici, toutes les astuces sont minutieusement positionnées pour que les frontières soient visibles entre ces divers degrés de fiction pareillement réels.

Béatrice Delcorde, 2024